L' ARCHIPEL DES COMORES, UNE MINE D'INFORMATION HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE À TENIR COMPTE SUR LE PEUPLEMENT DES ÎLES : LE CAS DES SITES ARCHÉOLOGIQUES DE MOHORO (Comores, Badjini-Est, Itsahidi) ENTRE TYPOLOGIE, CARACTÉRISTIQUES ET INTERPRÉTATIONS DES DONNÉES ARCHÉOLOGIQUES RETENUES


  N.B : Pour éviter la violation de nos données en cours d'étude, nous avons décidé de ne pas insérer des illustrations en appui dans ce présent article. 


   Situé géographiquement à l'entrée du canal de Mozambique, entre l'Afrique continentale et la grande île de Madagascar, l'archipel des Comores est connu par sa population mixte (bantou, arabo-persique, asiatique, etc.) très ancienne. Cette dernière est due à son histoire du peuplement très reculée avant l'arrivée des européens. Les différents traits socioculturels évoquant l'ancienneté du peuplement de l'archipel sont aujourd'hui identifiables dans certaines villes dites "Cités-mères" qui prennent le statut socioculturel des "villes anciennes"["Midji ya Aswili" en langue comorienne]. Ces différents traits socioculturels témoignent l'origine et l'ancienneté du peuplement de l'archipel des Comores.


1. Certaines villes tampons entre traits socioculturels et historiques pour la fondation des villes de l'archipel des Comores

   L'émergence des villes comoriennes a été vue par une accélération des traits socioculturels différents issus du métissage de la population. Ces différents marqueurs socioculturels représentent des attachements directs ou indirectes à nos ancêtres que ce soit issu de la culture africaine, arabo-musulmane ou asiatique. Ils sont visiblement aujourd'hui dans la plupart des villes dites "historiques" qui auparavant occupaient le statut "des villes mères" sur la fondation des villes aux Comores. Nous pouvons citer le cas de Dembeni et d'Acoua (Mayotte) ; de Moili Mdjini (Mohéli) ; de Mpomoni, de Domoni et d'Ouani (Anjouan) ; de Mavinguni, de Malé, de Mbashilé, de Chezani, de Bangoi-Kuni, etc. (Grande Comore). C'est dans cette catégorie des villes dite "villes mères" ou "villes anciennes" que la ville de Mohoro se situe dans le cadre historique et culturel. Cette ville détient une histoire très riche et variée sur l'origine du peuplement des îles en liaison avec l'Afrique continentale, l'Asie et le Moyen-Orient.


 1.1. Mohoro (Comores, Ngazidja), ville archéologique : la présence des sites archéologiques qui peuvent apporter  une importance historique sur le peuplement de l'archipel des Comores

   C'est dans la région de Badjini-est au sud-est de la Grande Comore (Ngazidja) à -11.82701° de latitude sud et 43.45436° de longitude ouest où elle se situe. Plus particulièrement dans la circonscription d'Itsahidi à cinq km de Foumbouni ; chef-lieu de la région, la ville de Mohoro, selon les données archéologiques, est un carrefour important entre civilisation africaine, arabo-musulmane et asiatique entre le IIIe et IVe siècle. Elle renferme un sous-sol riche, abondant et prestigieux, faisant elle-même aujourd'hui l'une des villes de l'archipel des Comores qui détient les plus anciens sites archéologiques, plus particulièrement à la Grande Comore (IIIe - IVe siècle).

   Chaque site archéologique existant dans cette ville est dominé par des mobiliers archéologiques impressionnants. Ils permettent au fur et à mesure de faire une relecture de l'histoire du peuplement de l'archipel des Comores. Ces différents vestiges qui ne cessent de surprendre au citoyen local qui essaie de creuser une citerne ou de construire une maison familiale, sont aujourd'hui méconnus. Les résultats attendus risquent de changer ou de surprendre les hypothèses de certains chercheurs sur le peuplement de l'archipel des Comores.  

   Les différentes fouilles archéologiques réalisées aux années 1990 dans cette ville par des archéologues étrangers comme le Pr. Felix Chami [de l'Université de Dar es Salam] avec une équipe d'archéologues comoriens du Centre National pour la Documentation et la Recherche Scientifique (CNDRSMoroni) ont été limitées. Malgré le manque de suivi scientifique, mais ils attestent l'existence des traces d'une population très ancienne. Les données archéologiques identifiées ces derniers temps dans ces différents sites archéologiques de Mohoro font reculer la barre qui a été fixée par les recherches archéologiques de 1990 sur le peuplement des îles Comores. Ces vestiges archéologiques identifiés à Mohoro en 2017, en 2019, en 2022 sont très anciens. Ils remontent vraisemblablement à l'âge de la pierre. 

   D'ailleurs, cela fait déjà plus de cinq ans que nous sommes en train d'examiner les photographies aériennes, terrestres et en une partie d'échantillon prélevé dans l'une des nécropoles de Mohoro (ComoresGrande Comore).

   Suite à un projet de protection et de valorisation des sites historiques et touristiques côtiers initié par une association locale [Association Touristique et Restauration pour les Jeunes de Mohoro (ATRJM)], des nombreux vestiges ont fait surface. Par une méconnaissance scientifique et surtout pour le respect religieux, la plupart d'entre eux ont été enterrés à nouveau sans suivi scientifique ou sans prélèvement d'échantillons.  Cette action associative citoyenne locale a permis de dénombrer les différents types des sites archéologiques existants à Mohoro. Actuellement, sans une éventuelle découverte archéologique approfondie, il existe  16 sites archéologiques dont six d'entre eux forment des anciens villages qui seront unifiés pour former la ville actuelle. Ces six villages [Sites côtiers : Ntsadjuu, Ifumbu, Itsimbi. Sites forestiers : Maouéni, Mvantsi, Hashamandzi] sont aujourd'hui des sites archéologiques à cités perdues dont trois côtiers et trois forestiers. 


1.1.1. Liste des sites archéologiques existants à Mohoro

   Seules les investigations archéologiques peuvent nous identifier l'appartenance typologique exacte de chaque site archéologique existant dans cette ville. Ce qui est sûr, chaque site regorge un gisement archéologique impressionnant qui mérite un suivi scientifique [évaluations du site, sondages, fouilles archéologiques, collecte des données après fouilles, etc.]. 

    La numérotation de chaque site en chiffre romain ne tient pas compte. Elle n'est pas repertoriée officiellement. Mais c'est une façon de mieux distinguer le site et son lieu-dit proprement dit dans un territoire où le nombre des sites archéologiques s'accentue du jour au jour. Voici en quelques sortes ces differents sites archéologiques existants sur l'ensemble du territoire mohorois :

1.      Mohoro I « Sada » ;

2.      Mohoro II « Nkububuni 1 » ;

Mohoro II « Nkububuni 2 » ;

3.      Mohoro III « Bingubi » ;

4.      Mohoro IV « Yilendjeni » ;

5.      Mohoro V « Ntsadjuu » ;

6.      Mohoro VI « Domaine familial Bourhane " (quartier Landres – Markaz)  ;

7.      Mohoro VII « Domaine familial Koko Abkaria" (quartier Landres - en face de la route nationale ) ;

8.      Mohoro VIII « quartier Coulée de lave » ( à quelques mètres du l'État-Civil et du Centre Culturel de la Jeunesse de Mohoro -CCJM-)  ;

9.      Mohoro IX « Souri » ;

10.  Mohoro X « Hashamandzi »  ;

11.  Mohoro XI « Maouéni »  ;

12.  Mohoro XII « Itsimbi »  ;

13.  Mohoro XIII « Ifumbu »  ;

14.  Mohoro XIV « Mvantsi »  ;

15.  Mohoro XV « Mbaya »  ;

16.  Mohoro XVI « Samba ouella »  ;

 

1.1.2. Études de cas : le site archéologique de Mohoro I "Sada"

   Le site archéologique de Mohoro I du lieu-dit de "Sada" en forme de nécropole a été découvert en plein air qui, auparavant, était couvert par une végétation côtière des mangroves et des coraux. Situé au pied de la grande lave sud de Mohoro datant de 1882, ce site est découvert suite à un assainissement côtier. Même si la grande majorité de la population de la ville savent déjà que le lieu-dit étatit abrité auparavant par nos ancêtres lointains. Ils vivaient sous forme d'une communauté commune en village unique où régnait à la tête un dignitaire traditionnel qui avait à la fois une double casquette. D'une part, il etait un chef traditionnel respectable qui exerçait un puvoir traditionnel sur la population et aussi à  sa propre famille entant que chef du lignage. Et d'autre part, il était le Vizir ou représentant du grand chef fedérateur qui régnait sur l'ensemble du territoire Ifumbu, Sada et Souri à la fois chef de lignage [hinya] qui ayant ces propres us et coutumes.

   Bordée par la mer et une végétation des mangroves, la nécropole de "Sada" offre une richesse considérable sur la connaissance de l'histoire du peuplement des Comores. Comme les autres sites archéologiques de la ville déjà découverts et signalés aux autorités scientifiques du pays, il regorge un gisement historique et culturel très ancien. Plusieurs interrogations ont été soulevées suite à la découverte de ce site archéologique en 2022. La question liée aux origines du peuplement de l'archipel et les différents échanges culturels et commerciaux avec le monde extérieur domine notre pensée scientifique. Malheureusement dans cette nécropole de Mohoro I "Sada", les photos aériennes que nous avons reçues en 2022 montrent qu'une partie de cette nécropole est détruite par la montée de la mer et une végétation immense des mangroves.

Malgré cela, l'histoire de la fondation de cette ville ne doit pas être ignorée. Une fouille archéologique programmée doit être mise en place pour permettre à évaluer les données archéologiques qui, à leurs tours, peuvent actualiser avec précision l'histoire du peuplement de l'archipel des Comores.


1.1.2.1. Historique du site selon les sources orales 

   En parlant de ce site archéologique de Mohoro I "Sada" (Mohoro, Ngazidja) avant tout selon les sources orales retenues, était d'ailleurs un village côtier faisant partie traditionnellement de la fédération territoriale   d'Ifumbu, Sada et Souri. Cette dernière était l'un des six villages qui vont s'unir après accords par un système d'alliance matrilinéaire pour former la ville actuelle de Mohoro. Selon les sources orales, pour éviter les invasions étrangères et les occupations illégales de territoire, les chefs traditionnels de chaque village qui, avant tout, étaient des chefs de leurs lignages spécifiques [hinya], décideront d'unifier les six villages pour former un seul et unique village soudé en us et coutumes. Cette décision a été prise suite à des accords familiaux et d'alliances matrilinéaires entretenus par les représentants de chaque village et lignage. Selon les sources orales, nous évoquent qu'une cérémonie a été organisée pour cette occasion d'unification dans une place traditionnelle [Bangwe] qui se situe à  "Hashamandzi" ; un des six villages unifiés, aujourd'hui en cité perdue. Cette dernière se situe malheureusement dans la partie forestière de la ville actuelle.


1.1.2.2. Les découverte archéologiques de 2017  

    C'est dans un domaine familial [famille Bourhane] que ces découvertes archéologiques ont eu lieu en 2017. Ce lieu-dit du quartier Landres - Markaz est comme celui de Mohoro I "Sada". Il témoigne une histoire culturelle très particulière qui encre à des origines lointaines.

   Après interprétation des données, nous pouvons constater que ce site forme un dépotoir funéraire non aménagé. Il apparaissait  dès le premier creusement des traits socioculturels identiques à ceux qui ont été découverts en Tanzanie, en Kenya ou à Malé (Comores, Ngazidja).

   Mais il est difficile d'identifier la période archéologique sans un suivi scientifique.  Le plus important, ce sites archéologique représente une civilisation très ancienne par la présence des éléments de l'art rupestre, d'un style d'enterrement exceptionnel qui semble antérieur et d'identification des vestiges archéologiques très rares. Cet art rupestre est aussi identifiable à Malé dans le Badjini ; une des villes anciennes de l'archipel des Comores (A.-M. Gou, 1993 ; Moustakim, 2023).

   Ce qu'il faut retenir, ces traits socioculturels et funéraires retenus dans ce site se rapprochent clairement à ceux qui ont été découverts en 2023 dans un site archéologique de la ville situé dans un emplacement familial. C'est dans cette parcelle de la famille Bourhane que des vestiges archéologiques diversifiés entre culture égyptienne, nubienne, béninoise, arabo-persique et asiatique ont été identifiés lors des travaux de construction d'une maison et d'une citerne familiale. 

   Dans une profondeur de 5 mètres, des restes humains ont été identifiés qui se rapprochent typologiquement à ceux qui ont été identifiés aux années 1990 par le Pr. F. Chami et une équipe du CNDRS (Moroni, Comores) dans le site archéologique Mohoro VIII « quartier Coulée de lave ». Malheureusement aujourd'hui, la plupart de ces sites sont actuellement en voie de disparition à cause des projets familiaux (construction d'une citerne familiale et de maison en dure sur les emplacements) et des aménagements inter-quartiers. 

Malgré cela, les vestiges archéologiques retenus sur ce site Mohoro VI, « Domaine familial Bourhane (quartier Landres – Markaz) » sont variés, typologiquement et morphologique. Ces restes humains se distinguent en trois séries :

1. Première série : fibules à double bossette, courte ;

2. Deuxième série : fibules assez longues avec une bossette moyenne ;

3. Troisième série : fibules minces et courtes.

   À côté de ces restes humains découverts, des morceaux de vases, de céramiques, d'amphores font partie de la liste des mobiliers archéologiques retenus. Parmi ces vestiges archéologiques, il existe une catégorie des vases dont elle reste très rare dans l'océan Indien en particulier.



   Bien qu'il soit une terre qui a révélé une ancienneté importante sur le peuplement des Comores, la ville de Mohoro renferme plus de cinq sites archéologiques exceptionnels. Malheureusement, ces derniers enregistrent une perte très importante au niveau de leur gisement culturel et archéologique par une faute de sauvetage et un suivi scientifique. Cette perte est due par les effets du changement climatique d'une part et d'autre part par le manque d'une politique de conservation, de valorisation de ce prestigieux patrimoine culturel local et de sauvetage. Et l'État ne donne pas les moyens nécessaires à la recherche scientifique, que ce soit au niveau national ou au niveau des collectivités territoriales. Dans le cadre local, un projet d'intégration des musées d'Antiquités, d'art, décoratifs, d'histoire naturelle, d'ethnologie, d'anthropologie doivent être une des priorités pour conserver cette mémoire collective locale en voie de disparition.




Par : Djounaidi ASSOUMANI


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